
Qu’est-ce que la falaise de verre en entreprise ? Pourquoi les femmes sont-elles plus souvent nommées à des postes en période de crise ? Quelle est la différence entre le plafond de verre et la falaise de verre ? Comment les biais sexistes influencent-ils la perception des femmes leaders ? Quelles stratégies pour aider les femmes à réussir dans des postes à haut risque ? Pourquoi les femmes dirigeantes sont-elles plus exposées à l’échec ?
Il y a ces ascensions que l’on célèbre, et ces sommets qui, en silence, nous isolent. Vous avez franchi les obstacles, brisé les plafonds invisibles, et pourtant… vous vous retrouvez seule, au bord du vide. Promue au cœur d’une tempête, chargée de sauver ce que d’autres ont laissé sombrer. Ce vertige n’est pas une faiblesse. C’est le reflet d’un système qui vous place là… sans vous donner les ailes pour voler. Ce que vous ressentez n’est pas un échec personnel. C’est un piège structurel, une falaise déguisée en triomphe.
Dans cet article j’apporte un éclairage sur ce mécanisme trop méconnu — pour que vous puissiez enfin transformer ce sommet instable… en fondation solide pour votre propre manière de diriger.
La nouvelle frontière invisible
Elle s’appelle Claire. Après quinze ans d’engagement, de sacrifices, de nuits blanches et de loyauté sans faille, elle est enfin nommée directrice générale. Une victoire ? En apparence. Car dès les premières semaines, elle découvre un service en ruine, des décisions urgentes à prendre, une équipe divisée, un budget en chute libre. Aucun filet de sécurité. Juste une falaise abrupte… et une attente silencieuse qu’elle échoue.
Ce scénario fictif, existe bien dans la réalité. Il porte un nom : la falaise de verre. Forgé en 2004 par les chercheur·e·s Michelle K. Ryan et Alexander Haslam de l’Université d’Exeter, ce concept désigne la tendance à promouvoir les femmes à des postes de leadership dans des contextes de crise ou d’échec annoncé. Le sommet devient alors non pas un point d’aboutissement, mais le bord d’un précipice. Le piège est double : d’un côté, la symbolique d’une égalité enfin atteinte ; de l’autre, une exposition maximale au risque, à la critique et à l’isolement stratégique.
Contrairement au plafond de verre — cette barrière invisible qui empêche les femmes de gravir les échelons du pouvoir —, la falaise de verre surgit lorsqu’elles l’ont franchi. Elle transforme la promotion en piège, et la réussite en mise à l’épreuve fatale.
Ryan et Haslam, dans une étude parue dans le British Journal of Management, ont mis en évidence une surreprésentation des femmes à la tête des entreprises en crise. En analysant les nominations dans les grandes firmes britanniques, ils constatent que les femmes accèdent aux plus hauts postes précisément quand les marges s’effondrent, les conflits explosent ou la survie de l’organisation est menacée.
Et si le sommet n’était pas une victoire… mais un piège bien déguisé ? Je vous propose d’explorer les mécanismes psychologiques, sociétaux et systémiques de la falaise de verre, pour mieux en déjouer les rouages — et ouvrir la voie à une véritable égalité des chances, même dans la tempête.
1- Le concept de falaise de verre : aux origines du piège
Le concept de falaise de verre — glass cliff en anglais — a été introduit en 2004 par les chercheurs britanniques Michelle K. Ryan et Alexander Haslam de l’Université d’Exeter. Leur intuition partait d’un constat étonnant dans la presse financière : les femmes nommées à des postes de direction semblaient plus souvent échouer… mais est-ce parce qu’elles étaient moins compétentes ? Ou parce qu’elles étaient nommées dans des contextes bien plus risqués que leurs homologues masculins ?
Pour répondre à cette question, Ryan et Haslam ont mené une étude quantitative rigoureuse, publiée dans le British Journal of Management. Ils ont analysé la performance boursière des 100 plus grandes entreprises britanniques cotées au FTSE 100, en corrélant les moments de nomination de femmes à des postes exécutifs avec l’état financier de l’entreprise. Leurs résultats furent sans appel : les femmes étaient significativement plus nombreuses à être promues à des postes de pouvoir dans des entreprises déjà en déclin, en perte de valeur ou en situation de crise.
Le phénomène était systémique : les femmes accédaient à des postes élevés précisément lorsque la situation devenait instable, fragile, critique. Autrement dit, elles étaient positionnées au sommet non comme reconnaissance de leur potentiel… mais comme derniers recours. Une manière implicite — et souvent inconsciente — de les placer dans des rôles de sauveuses, sans soutien suffisant, ni marge d’erreur.
Depuis cette étude fondatrice, de nombreux travaux ont confirmé cette tendance dans d’autres contextes : politique, sport de haut niveau, entreprises multinationales. En 2016, Harvard Business Review reprenait le sujet dans un article intitulé “Why Women Are More Likely to Be Put in Charge During a Crisis”, soulignant que ce n’était pas un hasard, mais un schéma culturel profondément ancré.
La falaise de verre ne signifie donc pas seulement une exposition accrue au risque. Elle révèle une logique insidieuse : lorsque tout va bien, les hommes dirigent. Quand tout s’effondre, on appelle une femme… et si elle échoue, on retourne à l’ordre établi.
2- Pourquoi les femmes arrivent… quand tout s’effondre ?
Ce n’est pas un hasard si tant de femmes parviennent enfin au sommet… quand plus personne n’en veut. Une étude ne suffit pas à l’expliquer. Il faut décrypter les ressorts psychologiques, sociétaux et symboliques qui sous-tendent ce phénomène systémique. Trois hypothèses principales se dessinent.
1. Une stratégie d’évitement : les hommes déclinent les postes à haut risque
Lorsque la situation d’une entreprise devient intenable, ses perspectives sombres, son image écornée, de nombreux dirigeants masculins — conscients du danger pour leur réputation — refusent simplement la mission. Pourquoi prendre le risque de voir son nom associé à un naufrage annoncé ? C’est un mécanisme de préservation d’image : mieux vaut décliner un poste que d’échouer publiquement.
Résultat : le terrain devient vacant. Et soudain, une femme émerge. Pas par favoritisme, mais parce que les autres ont fui. Elle accepte là où les autres ont reculé. Pas par naïveté, mais par loyauté, engagement, ou parce que c’est enfin « sa chance ». C’est le piège : le sommet semble accessible, mais c’est un échafaud invisible.
2. Des stéréotypes bienveillants… mais piégeants
Dans les moments de crise, les entreprises cherchent à restaurer la confiance, à apaiser les tensions, à « humaniser » leur communication. Et qui, dans l’imaginaire collectif, incarne mieux la douceur, l’écoute, l’altruisme ? Les femmes. Selon les recherches d’Alice Eagly et Linda Carli, spécialistes des stéréotypes de genre en leadership, les femmes sont perçues comme plus empathiques, communicantes, capables de gérer les conflits avec diplomatie.
Cette vision — bien que positive en surface — participe d’une logique archaïque : les femmes sont faites pour réparer, pour soigner, pour rattraper ce qui a été brisé. Mais cela les expose à une double peine : si elles réussissent, leur style est jugé atypique ; si elles échouent, elles confirment — à tort — les craintes initiales sur leur « incompétence ». Une spirale injuste et auto-validante.
3. Une façade progressiste : faire bonne figure en temps de crise
Lorsque tout s’effondre, nommer une femme à la tête peut envoyer un signal fort à l’extérieur : « Regardez, nous innovons. Nous faisons place à la diversité. » En coulisses, pourtant, c’est souvent une manœuvre politique plus qu’un acte de transformation réelle. Les entreprises, en période critique, savent que les projecteurs sont braqués sur elles. Le choix d’une femme à leur tête devient un symbole — parfois creux — de renouveau et de vertu.
Mais que se passe-t-il lorsque la crise s’aggrave ? La responsabilité de l’échec repose alors sur cette figure féminine, sans que les structures profondes de pouvoir aient été modifiées. Et la boucle est bouclée.
Quelques exemples emblématiques
- Carly Fiorina – Nommée PDG de Hewlett-Packard en 1999 alors que l’entreprise entamait un virage technologique périlleux. Son mandat sera émaillé de tensions internes, et elle sera évincée en 2005 après une fusion contestée avec Compaq.
- Mary Barra – Première femme à diriger General Motors, mais seulement après un scandale majeur sur les défauts de fabrication ayant causé des morts. Son arrivée a coïncidé avec une volonté de moralisation urgente.
- Anne Lauvergeon – Présidente d’Areva, nommée au moment où l’entreprise faisait face à des investissements risqués dans l’EPR finlandais. Malgré son expertise, elle sera tenue responsable de dérives structurelles antérieures à sa nomination.
La constante ? Elles n’arrivent pas dans la lumière. Elles arrivent quand tout brûle. Et si elles trébuchent, leur chute est visible… et instrumentalisée.
3- L’illusion du progrès : une promotion empoisonnée
Au premier regard, une femme nommée à la tête d’une grande entreprise semble incarner une victoire du progrès. Mais en y regardant de plus près, cette ascension ressemble parfois à un cadeau piégé. Car ce n’est pas seulement le contexte qui est instable — c’est la position même qui est précaire.
Les données alarmantes de Catalyst
Selon une analyse publiée par Catalyst, l’un des think tanks les plus influents sur le leadership féminin, les femmes placées à des postes de pouvoir en période de crise ont significativement plus de chances d’être remplacées rapidement si les résultats attendus ne sont pas immédiats.
En d’autres termes : elles sont moins tolérées dans l’échec. Un homme aurait le bénéfice du doute, du temps, des ressources. Une femme, elle, est souvent perçue comme un essai. Si elle ne redresse pas la barre en quelques mois, elle devient un symbole d’échec — non pas de la stratégie… mais du leadership féminin lui-même.
L’effet « sauveuse provisoire »
Un terme revient souvent dans les études qualitatives : celui de « sauveuse provisoire ». Dans ce scénario, une femme est choisie dans un élan de désespoir organisationnel. Elle incarne alors un renouveau temporaire, souvent applaudi… avant d’être broyée par les attentes irréalistes et les injonctions paradoxales.
Une fois évincée, l’entreprise revient à un profil plus classique, masculin et rassurant. Ce mécanisme, documenté par The Glass Cliff de Ryan et Haslam, nourrit un cycle toxique : les femmes sont instrumentalisées, puis jugées — non sur leurs résultats, mais sur leur genre.
Double standard : compétence + sympathie
Sheryl Sandberg, ancienne COO de Facebook et fondatrice de LeanIn.org, souligne une réalité vécue par de nombreuses femmes leaders : elles doivent exceller dans deux dimensions là où les hommes ne sont jugés que sur une seule.
Une femme dirigeante doit non seulement faire preuve de compétence indiscutable, mais également rester agréable, douce, chaleureuse. Un échec ou une posture trop affirmée sera perçu comme une trahison des normes implicites de « féminité ».
Comme le dit Sandberg : « Quand un homme réussit, on l’admire. Quand une femme réussit, on doute d’elle ou on la trouve arrogante. » Ce biais cognitif — très documenté dans la littérature en psychologie sociale — alourdit considérablement la pression au sommet.
Moins soutenues, plus exposées
Le paradoxe est cruel : plus la femme monte, plus elle est seule. Des recherches de McKinsey & Company indiquent que les femmes occupant des fonctions de direction reçoivent moins de mentorat stratégique que leurs homologues masculins. Elles doivent pourtant affronter des enjeux plus complexes, souvent sans filet.
Moins soutenues, plus visibles, et soumises à un droit à l’erreur quasi inexistant, elles avancent sur une ligne de crête. Ce n’est pas un sommet, mais une falaise fine et glissante.
4- Une question de biais cognitifs et de perception
Ce n’est pas seulement le contexte externe qui rend la « falaise de verre » si pernicieuse. C’est aussi — et surtout — ce que nos esprits perçoivent, attendent et jugent inconsciemment. Car derrière chaque décision, chaque évaluation, chaque regard porté sur une femme leader, opèrent des mécanismes invisibles : les biais cognitifs.
Les stéréotypes implicites encore actifs
Selon les psychologues Madeline Heilman et Laurie Rudman, lorsqu’une femme occupe un poste traditionnellement associé au pouvoir masculin, elle est souvent perçue comme moins aimable, moins chaleureuse, voire menaçante.
Le problème n’est pas son incompétence — mais le fait qu’elle transgresse une norme implicite. Le simple fait d’agir avec autorité, confiance ou assertivité suffit à déclencher un rejet subtil : elle est compétente… mais « on ne l’aime pas ».
Biais de confirmation : quand l’échec renforce le cliché
Le biais de confirmation est l’un des plus puissants en psychologie sociale : nous avons tendance à remarquer (et à retenir) ce qui confirme nos croyances préexistantes. Ainsi, lorsqu’une femme échoue dans un poste à haute responsabilité, cela ne remet pas en cause le contexte de crise ou le manque de soutien — cela confirme l’idée que « les femmes ne sont pas faites pour le pouvoir ».
Ce biais agit comme un piège mental collectif : il rend l’égalité plus difficile à atteindre, car chaque contre-exemple est interprété… comme une preuve.
Les défenses inconscientes du système
Les chercheurs Jim Sidanius</strong et Felicia Pratto, auteurs de la Social Dominance Theory, ont démontré que les sociétés ont tendance à maintenir, souvent inconsciemment, des hiérarchies de genre, de race ou de statut. Cela signifie que nos comportements — même bien intentionnés — peuvent parfois servir à préserver une structure inégalitaire.
Par exemple, promouvoir une femme dans un contexte de crise peut sembler progressiste… mais si cette promotion n’est accompagnée d’aucun soutien, d’aucune reconnaissance durable, elle agit comme un mécanisme de maintien : l’échec est probable, et la norme ancienne est reconfirmée.
Ces dynamiques ne sont pas toujours conscientes. Elles agissent en profondeur, à travers les évaluations, les recrutements, les discours, les regards. Elles créent un climat de doute permanent autour du leadership féminin — et minent la confiance des femmes elles-mêmes.
5- Quelles conséquences concrètes ?
La falaise de verre n’est pas qu’un phénomène conceptuel. Elle a des répercussions tangibles, profondes, durables — tant sur les femmes concernées que sur les dynamiques collectives du monde professionnel.
Une perte de confiance personnelle… et systémique
Être propulsée à un poste à responsabilité en contexte de crise, puis exposée sans filet, épuise les ressources internes. Beaucoup de femmes en ressortent fragilisées, avec le sentiment diffus d’avoir « échoué », alors même qu’elles ont été placées dans des situations structurellement intenables.
Cette expérience alimente une perte de confiance non seulement en soi, mais aussi dans le système : les femmes peuvent hésiter à postuler de nouveau à des postes de direction, par peur d’être à nouveau instrumentalisées.
Un taux de turnover plus élevé chez les femmes leaders
Les études montrent que les taux de départ ou d’éviction sont significativement plus élevés pour les femmes dirigeantes, en particulier lorsqu’elles prennent leurs fonctions en période de turbulence.
Ce phénomène aggrave les inégalités structurelles : les femmes ont moins de temps pour faire leurs preuves, moins de tolérance à l’erreur, et souvent moins de soutien en interne (mentorat, réseau, ressources).
Un effet miroir sur les générations suivantes
Les jeunes femmes observant ces trajectoires précaires peuvent en tirer une conclusion implicite : « réussir, c’est se mettre en danger ». L’ambition se heurte alors à une peur légitime : celle de devenir le bouc émissaire d’un système en crise.
Ce climat d’incertitude contribue à une désaffection du leadership chez les femmes les plus prometteuses, qui préfèrent parfois viser des rôles moins exposés pour préserver leur intégrité et leur équilibre de vie.
Un frein à l’évolution d’un leadership réellement équitable
Enfin, le maintien de la falaise de verre empêche l’émergence d’un leadership féminin durable, serein, transformateur. Il entretient la précarité symbolique des femmes au pouvoir, et invalide leur légitimité sur le long terme.
Ce n’est pas seulement une injustice individuelle : c’est une perte collective. Car en exposant les femmes à l’échec prématuré, c’est une diversité précieuse de visions, de styles de gouvernance, d’intelligences relationnelles qui se trouve fragilisée — au détriment de l’ensemble de l’organisation.
En somme : la falaise de verre est une spirale silencieuse, qui épuise les élans, érode les vocations, et perpétue des modèles de pouvoir déséquilibrés. Il est temps de la reconnaître — et d’y opposer une culture du soutien, de la lucidité… et du courage systémique.
Focus : Au bord du vide, une autre force vous attend
Parfois, ce n’est pas l’échec qui fait peur, mais le vertige de notre vraie grandeur. Celles qu’on place au sommet pendant la tempête se retrouvent exposées… non seulement au regard des autres, mais à celui qu’elles posent sur elles-mêmes.
Simone Weil écrivait : « L’attention est la forme la plus rare et la plus pure de la générosité. » Et si ce que vous traversez n’était pas une injustice… mais une initiation ? Le silence, la chute, l’isolement même, peuvent devenir le seuil d’une conscience plus vaste. Là où tout semble s’effondrer, une présence nouvelle peut émerger.
6- Sortir du piège : quelles stratégies pour un vrai progrès ?
Mettre en lumière la falaise de verre ne suffit pas. Encore faut-il proposer des chemins concrets pour en sortir. Car une fois que le piège est identifié, le défi devient collectif : comment garantir aux femmes un accès équitable, durable, et soutenu au pouvoir — y compris (et surtout) dans les périodes critiques ?
Repenser les processus de nomination : prendre en compte le facteur risque
De nombreuses organisations continuent de promouvoir des femmes en situation de crise… sans analyser objectivement le risque contextuel auquel elles les exposent.
La chercheuse Michelle K. Ryan propose d’inclure une analyse préalable du contexte de nomination : quelle est la santé réelle de l’organisation ? Quelles ressources seront mises à disposition ? Le mandat est-il un tremplin… ou un test impossible ?
Cette lucidité est essentielle pour éviter les pièges déguisés en opportunités.
Créer des environnements de soutien véritables
Les femmes leaders doivent pouvoir compter sur des filets relationnels et professionnels solides. Cela signifie instaurer :
- Des programmes de mentorat intergénérationnel et mixte, pour rompre l’isolement en haut de la pyramide.
- Des espaces de coaching individuel et collectif, pour renforcer la posture et soutenir la traversée émotionnelle.
- Du leadership pair-à-pair, où les femmes en responsabilité se soutiennent mutuellement dans la durée.
Ces dispositifs, recommandés par des institutions comme Lean In, Catalyst ou le Center for Creative Leadership, sont bien plus qu’un accompagnement : ce sont des structures de résilience.
Redéfinir les critères de réussite
Si l’on continue à juger les femmes (et les hommes) uniquement à l’aune de résultats immédiats — rentabilité, croissance rapide, redressement brutal — alors on perpétue une culture du court terme, hostile à la transformation profonde.
Il est temps d’élargir la définition de la réussite : capacité à fédérer dans la tempête, à poser des fondations durables, à infuser du sens. Cela implique de mesurer la qualité du leadership au-delà du chiffre, en y intégrant des critères comme :
- La qualité des relations internes
- La confiance restaurée dans l’organisation
- L’évolution des dynamiques d’équipe
- Le degré d’innovation et de résilience
Changer la culture du leadership, c’est aussi changer ce que nous valorisons collectivement comme « succès ».
Ne plus monter seule… ni tomber en silence
La falaise de verre n’est pas seulement une réalité statistique ou un concept universitaire. C’est une expérience vécue, trop souvent tue, par des milliers de femmes promues non pas pour réussir, mais pour essuyer les tempêtes que d’autres ont déclenchées.
Ces femmes arrivent au sommet dans un épuisement déjà avancé, sans marge d’erreur, sans tuteur solide, sans le droit à l’humain. Et quand elles tombent — car beaucoup tombent — on leur demande pourquoi elles n’ont pas volé.
Mais voici la vérité : aucune transformation durable ne peut reposer sur l’isolement. L’ascension ne devrait jamais être un sacrifice. Il est temps de reconfigurer le sommet lui-même : non plus comme une épreuve solitaire, mais comme un espace de coopération, d’intelligence collective, de leadership incarné.
Briser la falaise de verre, c’est refuser de n’être que des héroïnes tragiques. C’est redéfinir les termes du pouvoir, bâtir des ponts là où il n’y avait que des précipices, et rappeler à toutes celles qui montent… qu’elles ne sont pas seules. Qu’un autre sommet est possible.
Et ce sommet-là n’est pas une fin. C’est un commencement. Ensemble.
À retenir :
- La falaise de verre désigne les situations où des femmes accèdent au pouvoir dans des contextes critiques, souvent vouées à l’échec.
- Elle représente une menace silencieuse : sous couvert de promotion, elle isole, fragilise et expose les femmes à une plus grande instabilité.
- Les biais cognitifs et les stéréotypes de genre renforcent les jugements négatifs quand les femmes échouent dans ces postes précaires.
- La pression est plus forte : manque de mentors, survisibilité, et double exigence de performance et de sympathie.
- Des stratégies existent : repenser les nominations, valoriser la transformation et non seulement les résultats immédiats, renforcer les cercles de soutien.
Pour aller plus loin
- La falaise de verre — Article de Claire Richard sur France Culture (2021). Une excellente introduction au concept dans le contexte français.
- Le plafond de verre et l’illusion du progrès — Séverine Lemière, dans Travail, genre et sociétés. Analyse approfondie des obstacles invisibles à la carrière des femmes.
- La force des femmes — Gisèle Halimi. Un regard engagé sur la place des femmes dans les sphères de pouvoir.
- Données et rapports du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes : ressources statistiques, études sur les biais de genre et les responsabilités dirigeantes
© Tous droits réservés – Loïc Hurpy
❖
Vous êtes une femme leader au bord d’une falaise invisible ?
Peut-être sentez-vous que l’on vous admire autant qu’on vous isole. Que vous devez porter la transformation, mais sans appui réel. Que chaque décision devient un test silencieux de votre légitimité.
Si ces mots résonnent en vous, je vous invite à un rendez-vous d’exploration confidentiel : un espace où déposer le masque, reconnecter à votre puissance profonde, et construire un chemin d’alignement, loin des attentes extérieures.
Que vous soyez en poste, en transition, ou en quête d’un nouveau souffle dans votre leadership, ce temps vous est offert pour faire le point en profondeur.
Parce qu’on ne guérit pas d’un système… en s’y perdant encore plus.