L’identité construite sur le rejet : sortir de l’illusion

Et si votre plus grande blessure n’était pas ce que l’on vous a fait, mais ce que vous avez dû rejeter en vous pour continuer à être aimé ?

Et si ce que vous appelez “vous” n’était qu’un masque bien appris ?
Et si votre calme était une stratégie pour fuir votre colère ?
Nous croyons être sincères, mais la plupart du temps, nous jouons un rôle pour être acceptés.
Notre identité se construit souvent sur ce que nous avons fui — non sur ce que nous sommes.
Je ne cherche pas à vous rassurer… Je vous invite à regarder là où ça dérange : au cœur du rejet de soi.


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Et si votre identité était une stratégie de survie ?

Derrière l’image que nous présentons au monde se cache parfois une stratégie invisible : celle de rejeter certaines parties de nous jugées inacceptables pour mieux être aimé. Cette construction identitaire, bien que souvent inconsciente, est le fruit d’une adaptation à un environnement où il n’était pas toujours sûr d’être pleinement soi. Mais que se passe-t-il lorsque cette stratégie nous éloigne de notre vérité intérieure ?

Je vous propose d’explorer comment l’identité se construit sur le rejet, comment cette construction entraîne une division interne, et comment amorcer un retour vers une identité plus intègre et authentique.

I La fondation inconsciente : quand l’identité se construit sur le rejet

1. Le déni d’expérience comme origine

Dès l’enfance, certaines émotions ou besoins sont jugés inacceptables par notre entourage : colère, jalousie, peur, vulnérabilité, besoin d’attention. N’ayant pas les moyens de les réguler seuls, les enfants apprennent à se couper d’une partie d’eux-mêmes pour conserver le lien avec les figures d’attachement.

Ce que la psychologie des « parties » (IFS de Richard Schwartz) appelle les exilés sont ces parties refoulées. L’identité se reconstruit alors autour de parties protectrices : le gentil, le performant, le calme, le maître de soi. Ces « masques » deviennent les piliers de notre image de soi.

2. La quête de perfection et l’idéal du « bon moi »

Le besoin d’être aimé se traduit par une quête d’identité valorisante : être utile, intelligent, empathique, spirituel, etc. Cette identité peut paraître noble, mais elle est édifiée sur la peur : peur d’être perçu comme faible, en colère ou imparfait.

« Ce que vous niez, vous soumet. Ce que vous acceptez, vous libère. » — C.G. Jung

L’idéal du « moi parfait » devient un tyran silencieux, dictant nos comportements, nos choix et même nos aspirations. À terme, il épuise l’être profond.

3. Une identité partielle = une vie partielle

Ce processus de sélection de traits « positifs » crée une identité partielle et déséquilibrée. Or, sans cette totalité, nous ne pouvons être ni libres ni pleinement vivants.

« Tout ce que tu rejettes, persistera jusqu’à être aimé. » — Enseignement de sagesse non-duelle

4. L’effet rebond : la réalité revient frapper

Ce qui est exclu n’est pas détruit. Cela revient sous forme de symptômes : irritabilité, angoisse, comportements compulsifs, sabotage, projections sur autrui. L’ombre cherche toujours à être vue.

John Welwood appelait cela le bypass spirituel, cette tendance à utiliser la spiritualité pour éviter la douleur humaine non intégrée.

II De la fragmentation à l’intégration : outils pratiques pour une identité plus vraie

1. Identifier les parties rejetées

Quels traits, émotions ou comportements vous sont inacceptables ? Prenez le temps de les identifier, de les écrire, sans juger. Ce premier pas est essentiel.

2. Travailler avec les « parts » : l’approche IFS

L’approche IFS (Richard Schwartz) propose de dialoguer avec ces sous-personnalités. Chacune a une fonction protectrice. En les écoutant, vous recréez une écologie intérieure harmonieuse.

3. Reconnexion somatique : le corps comme terrain d’accueil

Les émotions rejetées vivent dans le corps. Le focusing (E. Gendlin), la somatic experiencing (P. Levine) ou encore le yoga restauratif permettent de retrouver l’accès à ces zones figées.

4. Méditer l’inclusion : l’approche non-duelle

La méditation devient alors un espace d’accueil, où chaque sensation peut exister sans être niée ni identifiée. C’est ce que propose l’Advaita Vedānta ou le Dzogchen tibétain.

5. Créer une nouvelle narration de soi

Réécrire l’histoire de soi-même, c’est intégrer toutes ses dimensions. Osez raconter une version de vous plus complète, plus humaine, plus vraie.

Croiser les regards : psychologie clinique et spiritualité contemporaine

Carl Jung parlait d’ »intégration de l’ombre » comme clef de l’individuation. Donald Winnicott, avec sa théorie du faux self, nous rappelle que l’identité construite peut devenir une prison affective lorsque l’enfant n’a pas pu exprimer son vrai self.

Sa notion de « mère suffisamment bonne » illustre l’importance du cadre affectif pour le développement du vrai soi. Sans ce cadre, nous développons des stratégies d’adaptation où l’image prime sur l’expérience vécue.

Eckhart Tolle parle de la Présence comme de l’espace où s’évanouissent les identités mentales. J. Krishnamurti va plus loin : « Toute forme d’identité est séparation », dit-il. Enfin, John Welwood alerte sur la dissociation spirituelle : « on ne s’éveille pas en évitant la douleur, mais en y entrant avec compassion ».

Ce croisement révèle une vérité centrale : tant que l’on ne descend pas dans les profondeurs de son humanité blessée, aucune transcendance ne peut être stable. Intégrer, c’est spiritualiser la blessure.

Retrouver la plénitude d’un soi réconcilié

La liberté intérieure ne réside pas dans la perfection, mais dans l’intégration des parts rejetées. Tant que certaines dimensions de votre être sont exclues, niées ou réprimées, une forme de guerre intérieure persiste — parfois silencieuse, mais toujours active. Ce conflit crée un fond d’inconfort permanent, un sentiment diffus de n’être jamais vraiment « à la maison » en vous-même.

Intégrer, c’est cesser de fuir. C’est oser regarder en face ce qui dérange, ce qui fait peur, ce qui semble incohérent avec l’image idéalisée que vous vous faites de vous-même. Et dans ce regard lucide, se produit une alchimie : ce qui était souffrance devient force, ce qui était honte devient sagesse, ce qui était rejet devient amour.

Loin d’être une faiblesse, cette réconciliation avec les parties blessées, colériques, sensibles ou imparfaites est le socle d’une identité mature. Une identité fluide, vivante, enracinée dans la vérité de l’expérience plutôt que dans un idéal inatteignable. Vous ne vous définissez plus par ce que vous montrez, mais par la relation que vous entretenez avec votre humanité tout entière.

Et c’est là que réside la véritable intégrité : non pas dans une cohérence de façade, mais dans une cohérence profonde entre ce que vous êtes, ce que vous ressentez et ce que vous osez vivre. Dans cette union retrouvée, le moi n’a plus besoin de se cacher ni de se justifier. Il peut simplement être, en paix avec ses ombres comme avec sa lumière.

« L’ombre n’est pas le contraire de la lumière. Elle en est la profondeur. »